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Lili
Lili
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25 juin 2008

S.O.S

J'ai trouvé ce texte dans un blog et je l'ai directement mis dans mes archives

(désolée,je ne sais plus ou je l'ai vu,j'espère que personne ne m'en voudras)

je vous laisses juger par vous même,moi personnellement ça m'a chamboulée...

La journée d’Enzo, 3 septembre 2012

Enzo est assis à sa place, parmi ses 32 camarades de CP. Il porte la vieille blouse de
son frère, éculée, tâchée, un peu grande. Celle de Jean-EmilienJean-Emilien, au premier rang, est
toute neuve et porte le logo d’une grande marque.

La maîtresse parle, mais il a du mal à l’entendre, du fond de la classe. Trop de bruit.
La maîtresse est une remplaçante, une dame en retraite qui vient remplacer leur
maîtresse en congés maternité. Il ne se souvient pas plus de son nom qu’elle ne se
souvient du sien. Sa maîtresse a fait la rentrée, il y a trois semaines, puis est partie
en congés. La vieille dame de 65 ans est là depuis lundi, elle est un peu sourde, mais
gentille. Plus gentille que l’intérimaire avant elle. Il sentait le vin et criait fort. Puis il
expliquait mal.

Du coup Enzo ne comprend pas bien pourquoi B et A font BA, mais pas dans BANC ni
dans BAIE ; ni la soustraction ; ni pourquoi il doit connaître toutes les dates des
croisades. On l’a mis sur la liste des élèves en difficulté, car il a raté sa première
évaluation. Il devra rester de 12 à 12h30 pour le soutien. Sans doute aussi aux
vacances. Hier, il avait du mal à écouter la vieille dame, pendant le soutien ; son
ventre gargouillait. Quand il est arrivé à la cantine, il ne restait que du pain. Il l’a
mangé sous le préau avec ceux dont les parents ne peuvent déjà plus payer la
cantine.

Il a commencé l’école l’an dernier, à 5 ans. L’école maternelle n’est plus obligatoire,
c’est un choix des mairies, et la mairie de son village ne pouvait pas payer pour
maintenir une école. Son cousin Brice a eu plus de chance : il est allé à l’école à 3
ans, mais ses parents ont dû payer. La sieste, l’accueil et le goûter n’existent plus,
place à la morale, à l’alphabet ; il faut vouvoyer les adultes, obéir, ne pas parler et
apprendre à se débrouiller seul pour les habits et les toilettes : pas assez de
personnel. Les enseignants, mal payés par la commune, gèrent leurs quarante élèves
chacun comme une garderie. L’école privée en face a une vraie maternelle, mais
seuls les riches y ont accès.

Mais Brice a moins de mal, malgré tout, à comprendre les règles de l’école et ses
leçons de CP. En plus, le soir il va à des cours particuliers, car ses parents ne
peuvent pas l’aider pour les devoirs, ils font trop d’heures supplémentaires. Mais
Enzo a toujours plus de chance que son voisin Kévin : il doit se lever plus tôt et livrer
les journaux avant de venir à l’école, pour aider son grand-père, qui n’a presque pas
de retraite.

Enzo est au fond de la classe. La chaise à côté de lui est vide. Son ami Saïd est parti,
son père a été expulsé le lendemain du jour où le directeur (un gendarme en retraite
choisi par le maire) a rentré le dossier de Saïd dans Base Élèves. Il ne reviendra
jamais. Enzo n’oubliera jamais son ami pleurant dans le fourgon de la police, à côté
de son père menotté. Il parait qu'il n'avait pas de papiers... Enzo fait très attention :
chaque matin il met du papier dans son cartable, dans le sac de sa maman et dans
celui de son frère.

Du fond, Enzo ne voit pas bien le tableau. Il est trop loin, et il a besoin de lunettes.
Mais les lunettes ne sont plus remboursées. Il faut payer l’assurance, et ses parents
n’ont pas les moyens.

L’an prochain Enzo devra prendre le bus pour aller à l’école. Il devra se lever
plus tôt. Et rentrer plus tard. L’EPEP (établissements publics d’enseignement
primaire) qui gère son école a décidé de regrouper les CP dans le village voisin, pour
économiser un poste d’enseignant. Ils seront 36 par classe. Que des garçons. Les
filles sont dans une autre école.

Enzo se demande si après le CM2 il ira au collège ou, comme son grand frère Théo,
en centre de préformation professionnelle. Peut-être que les cours en atelier seront
moins ennuyeux que toutes ces leçons à apprendre par coeur. Mais sa mère dit qu’il
n’y a plus de travail, que ça ne sert à rien. Le père d’Enzo a dû aller travailler en
Roumanie, l’usine est partie là-bas. Il ne l’a pas vu depuis des mois. La
délocalisation, ça s’appelle, à cause de la mondialisation. Pourtant la vieille dame
disait hier que c’est très bien, la mondialisation, que ça apportait la richesse. Ils sont
fous, ces Roumains !

Il lui tarde la récréation. Il retrouvera Cathy, la jeune soeur de maman. Elle fait sa
deuxième année de stage pour être maîtresse dans l’école, dans la classe de
monsieur Luc. Il remplace monsieur Jacques, qui a été renvoyé, car il avait fait
grève. On dit que c’était un syndicaliste qui faisait de la pédagogie. Il y avait aussi
madame Paulette en CP ; elle apprenait à lire aux enfants avec des vrais livres ; un
inspecteur venait régulièrement la gronder ; elle a fini par démissionner.
Cathy a les yeux cernés : le soir elle est serveuse dans un café, car sa formation
n’est pas payée. Elle dit : « A 28 ans et un bac +5, servir des bières le soir et faire la
classe la journée, c’est épuisant. » Surtout qu’elle dort dans le salon chez Enzo, elle
n’a pas assez d’argent pour se payer un loyer.

Après la récréation, il y a le cours de religion et de morale, avec l’abbé Georges. Il
faut lui réciter la vie de Jeanne d’Arc et les dix commandements par coeur. C’est lui
qui organise le voyage scolaire à Lourdes, à Pâques. Sauf pour ceux qui seront
convoqués pour le soutien…

Enzo se demande pourquoi il est là. Pourquoi Saïd a dû partir. Pourquoi Cathy et sa

mère pleurent la nuit. Pourquoi et comment les usines s’en vont en emportant le 

travail. Pourquoi ils sont si nombreux en classe. Pourquoi il n’a pas une maîtresse
toute l’année. Pourquoi il devra prendre le bus. Pourquoi il passe ses vacances à faire
des stages. Pourquoi on le punit ainsi. Pourquoi il n'a pas de lunettes. Pourquoi il a
faim.



Projection basée sur les textes actuels, les expérimentations en cours et les
annonces du gouvernement. Est-ce l’école que nous voulons ? Le gouvernement a-t-il
reçu un mandat populaire pour cela ? Qu’attendons nous pour réagir ?

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Commentaires
G
C'est moche et on va droit dedans, et le plus drôle dans tout ça, c'est qu'il a été élu...
L
personne ne doit se sentir montrer du doigt si ce n'est le gouvernement , dans ce texte , parce qu'une fois de plus il prends des décisions sans penser avant à tous ce qui en découle, et sans demander aux enseignants proféssionnels de confiances , ce qui serait le plus adapter <br /> quand aux court de soutiens pendant les vacances si certains si sentent bien d'autres sont à nouveau stigmatiser , ne parlonds même pas des cours de soutiens dans l'années qui dans certaine maternelle sont prevus de 7h50 a 8h20 pour des petits bout encore des horaires coherentes :o((<br /> <br /> merci de nous avour cité ce texte liliberzet
L
De l'intérieur, ce n'est pas vraiment ça non plus.....Je suis une fameuse "intérimaire" (appelée brigade), que l'on envoie sur tous les fronts. Mais je l'ai choisi.<br /> Moi ce qui me fait peur, c'est surtout la place que nous avons enseignants. Aujourd'hui nous faisons du service. J'entends par là que les parents attendent, exigent et jugent notre métier. Pas tous certes mais trop. Pour certains, pas ou peu d'éducation à la maison, beaucoup de droits et peu de devoirs. Et nous derrière? Il faut cadrer, déborder de notre fonction première qui est celle d'enseigner, très bien, c'est ainsi mais au risque de se faire reprendre par ces dits parents.<br /> Les stages pendant les vacances scolaires sont critiqués? Comme c'est étrange! J'étais volontaire pour le premier et ça a permis à quelques élèves d'une part de sortir de chez eux (bah oui), de reprendre confiance dans un groupe où ils étaient valorisés. Pas de remise à niveau en une semaine certes mais du positif oui. Et aujourd'hui il y a plus de demande enseignante que d'élèves....Certains auraient-t-ils renié leur idée première ??????<br /> Dans un contexte si difficile, avec un métier si prenant, je pense que la première des choses est de nous faire confiance. Nous travaillons pour et avec les enfants, quoiqu'il en soit.
A
Merci
A
tu ne risques rien, je l'ai eu par mail, ça circule,
Lili
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